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Le photographe peut s’emparer de n’importe quel objet, à n’importe quel moment : l’eau qui coule sur les pierres et les galets menait son inusable activité bien avant que le photographe ne la surprenne et elle continuera à produire les mêmes jeux d’ombre et de lumière quand nos yeux ne la regarderont plus. À une époque où l’activité photographique prend souvent, dans le public, les formes et les attraits du «reportage», cette image sans bord d’un modeste (et pourtant inépuisable) jeu d’eau affirme la liberté du photographe à s’emparer de tout ce qui est visible, sans hiérarchie esthétique, sensible ou intellectuelle. La sobre référence aux Nymphéas de Monet rappelle seulement qu’après un siècle et demi de cohabitation chahutée, les photographes et les peintres ont cessé de prendre le réel comme terrain de leurs affrontements. Yves Mandagot aime la peinture et nombre de ses images entament une conversation animée, parfois ironique, avec ce que notre regard doit au cubisme, à l’art optique aux constructions de Mondrian ou aux rêveries de Klee.
 

L’image de l’eau coulant sans fin sur les galets est également un rappel de ce qu’est le temps photographique. C’est celui d’Héraclite et des matérialistes de l’Antiquité qui nous avertissent qu’on ne se baigne jamais deux fois dans la même rivière : la réalité ne se donne à voir que dans l’espace de l’instant, dans le désordre du discontinu.

Pierre Lepape / oct. 2019

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